Quand Joyce Carol Oates, poète et romancière américaine prolifique, s’attaque aux petits (et grands) drames en famille, cela donne Etouffements, recueil de 10 nouvelles initialement publiées dans des revues diverses. Il y a dans ces textes courts la même richesse de style, la même précision d’orfèvre que dans les pavés auxquels elle nous a habitués. Comme bien souvent chez elle, le rêve américain est mis à mal à travers la peinture d’une société gangrenée par la pauvreté, le manque de repères, la misère affective et la violence.
Quel que soit le thème abordé – désir de justice, jalousie obsessionnelle, haine adolescente, enfant à la dérive, amnésie – chacun des récits croque en filigrane les relations humaines : entre conjoints, mères, filles, pères, garçons, des rapports malaisés, maladroits, conflictuels qui pulvérisent les familles. A chaque fois, J.C. Oates réussit à créer tout en finesse un climat où le trouble, la peur, l’impression d’étouffement s’installent progressivement et jouent avec l’imaginaire. Comme dans « Veine cave » où, dès les premières pages, sont instillés un malaise, une angoisse vénéneuse qui poussent à anticiper un scénario de cauchemar (évidemment, ce ne sera sans doute pas celui choisi in fine par l’auteur : qu’importe, si le grand frisson est au rendez-vous!). Comme dans « Sang » encore, dérive macabre, terrible et terrifiante d’un innocent / prédateur, agresseur de petite fille. Telle la Lizabeta de « La chute », le lecteur pressent sans cesse le poids de la menace qui rôde à la lecture de ces pages… La violence est partout. Insidieuse dans les pensées intimes et les fantasmes. Parfois brutale, sexuelle, meurtrière.
Joyce Carol Oates excelle dans la description des humeurs mortifères et de leurs ravages autant que dans les portraits, toujours pleins d’humanité, de ces personnages au bord du gouffre. D’aucuns trouveront le recueil trop dérangeant… Mais quoi qu’on en dise, Etouffements se dévore comme un bon thriller, de la première à la dernière page.
Maryse Decool
J’ai découvert les livres de Joyce Carol Oates et je suis devenue fan. Merci pour votre article, je n’ai pas lu Etouffements, elle en a écrit tellement, mais je vais me précipiter pour l’acheter.
Au plaisir de lire d’autres critiques de ses romans!!