L’autre dame brune de la chanson française, la diva atypique à la gouaille plantureuse et à l’humour dévastateur présente l’album Nour sur scène… et nous en met plein les mirettes et les oreilles.
« Nour », ça veut dire lumière en kabyle mais c’est aussi le début de son nom de famille : Noureddine. Sans doute un clin d’oeil en forme de respect à son grand-père dont elle nous raconte les débuts modestes et l’ascension professionnelle au sein de la police française. De fait, le récital est un véritable spectacle théâtral bâti sur le récit d’une enquête criminelle et qui fait défiler dans le bureau d’un commissaire de la PJ, une galerie de personnages tous plus déjantés les uns que les autres. Les musiciens, également acteurs, campent avec brio le médecin légiste timbré, le voyou qui s’évade, le photographe de l’identité judiciaire (tendance Vogue), les agents de police (tendance gay) et Juliette évoque avec bonheur les grands moments policiers du PAF : Maigret, Les 5 dernières minutes, Inspecteur Gadget, Faites entrer l’accusé. C’est à mourir de rire. Chaque chanson est une saynète à elle seule, qui ébauche un drame sordide sans jamais se départir d’un humour bien noir et bien caustique. Paroles brillantes qui passent avec légèreté du glauque au bouffon ; mélodies enjouées ou tendres, rock ou salsa, jazzy ou bretonnantes (avec biniou, excusez du peu!).
« Bijoux de famille » (une commande précise Juliette qui se réjouit de son statut d’icône gay) est délicieusement concupiscent ; « Veuve noire », irrésistible, conte les déboires de l’épouse assassine qui peine à se débarrasser de l’encombrant époux et qui, le forfait enfin accompli, téléphone à Cerise de Groupama pour toucher la prime d’assurance. Quels que soient leur orchestration et leurs arrangements, toutes les chansons de l’album sont subtiles et jubilatoires ; « La patronne » sait comme personne émouvoir, étourdir et enchanter.
Juliette aurait voulu être commissaire, comme son grand-père ; la nature en a décidé autrement. D’après elle « la police y a gagné ce que la chanson y a perdu ». Elle aura beau dire, Juliette, sa voix, son talent, son art de la mise en scène, sa faconde et sa truculence font d’elle une figure incontournable de la chanson française, aux antipodes des lolitas standardisées actuelles.
Maryse Decool