Journaliste au célèbre New Musical Express dans les années 1970, Nick Kent a vécu la décennie en plein cœur de la tempête, aux côtés des Sex Pistols (dont il fut brièvement l’un des membres !), des Stones, des Stooges et même de groupes dont le nom ne commence pas par un S. Comprendre que ce critique-là ne s’est pas contenté de faire la pluie et le beau temps au pays de la « musique du diable » depuis un fauteuil de bureau londonien.
Amateurs d’anecdotes scabreuses, passez votre chemin. L’ouvrage en contient naturellement quelques-unes, ainsi que des détails sans concession à propos de l’auteur lui-même, qui a longtemps hanté les rues de Londres à la recherche d’un toit et d’un dealer. Mais, malgré un titre français qui fait peu de cas de la sobriété relative de l’original1, Apathy for the devil est moins un récit sensationnaliste que la chronique d’une époque qui n’avait finalement pas grand-chose de « glam ».
Managers véreux et groupes qui battent de l’aile, drogues dures et égos qui enflent : les mantras de paix et d’amour ont laissé place à la « décennie du moi »… Heureusement, au milieu de la fête délétère que dépeint Apathy, on croise aussi de vrais artistes comme Iggy Pop ou David Bowie. Nick Kent écrit en se replongeant corps et âme dans chaque moment, comme lorsqu’il laisse la musique faire résonner toutes les cellules de son être. Si l’on peut légitimement douter de l’exactitude de souvenirs relatés quarante ans plus tard (dont 25 d’auto-médication aux substances plus ou moins licites), il est indéniable que ce rescapé possédait le recul et l’intelligence nécessaires pour observer le mouvement en marche et en comprendre les enjeux. Et l’homme semble assez honnête.
La plume de l’auteur enfin ne peut laisser indifférent : c’est un curieux cocktail d’érudition, d’humour, de fantaisie et d’insupportable grandiloquence qui tantôt séduit, tantôt agace. Un peu comme si le journaliste s’efforçait de prouver à qui en douterait encore que l’on peut aimer tout autant la compagnie des guitares saturées et celle des livres…
Nick Kent compose avec son second ouvrage un récit aussi irrésistible que sa propre descente aux enfers. Attachant et repoussant, le protagoniste ressemble aux rock stars qui peuplent l’ouvrage. À la fois hommage, exorcisme et témoignage, Apathy for the devil est à conseiller aux rockophiles et aux victimes du syndrome de l’Âge d’Or.
N.L.
(1) Titre français : Apathy for the devil – Les seventies, voyage au coeur des ténèbres
Titre anglais : Apathy for the devil – A 1970s memoir