Le public est placé devant une cuvette de chiotte géante d’où surgissent, où retombent, de pauvres hommes prisonniers, personnages à la Beckett. Un théâtre fait de gestes et de mots répétés pour nous y faire entrer, assénés comme des petits coups de marteau dans la tête. Un ressassement intime d’idées noires qu’un voudrait universel, nous imposer de partager. L’auteur remue la merde et la merde finit par remonter pour venir nous chercher, nous prendre, mais nous ne sommes pas dedans. Il nous signifie de manière très appuyée que la vie n’a pas de sens, ou celui de la chute. Qu’il faut tuer le père. Que Dieu est mort. Clou du spectacle : le fantôme d’un curé pédophile appelait, appelle toujours « chaton » son petit sacristain et lui, devenu adulte, momentanément sorti de la chiotte, hanté par ce souvenir glauque, de se mettre bouffonnement à miauler à quatre pattes. Cela pourrait nous déstabiliser, nous faire basculer… Nous devrions avoir la nausée, être en colère… pleurer, aussi, quand une fenêtre soudain ouverte donne sur une chanson lointaine dans la nuit. Il n’en est rien et c’est tant mieux. Le dispositif s’autodétruit. Un comédien tire lui-même la chasse et tout le mal qu’on nous voulait disparaît, sans nous emporter. Rideau.
Nicolas Pechmezac