Etre ou ne pas être, la question n’est pas si schématique. « Etre » ? Késako ? Et qui est ce « je » dont on use et abuse pour se désigner ? C’est le point de départ séduisant que s’est défini l’Espace Culturel Louis Vuitton pour lancer sa nouvelle exposition. La grande liberté d’interprétation qui lui donne suite est savoureuse : les œuvres qui se succèdent attribuent à l’identité des sens multiples, restituant sa complexité et sa formidable richesse. Des questions de genre aux normes, en passant par le rapport à autrui, au passé, à l’art et la société, Vuitton brasse large. On peut tout de même s’étonner de la scénographie bien sage selon laquelle le parcours est pensé : en se voyant attribuer une salle personnelle, chaque artiste est privé de dialogue direct avec ses confrères. Un choix contestable, mais qui a le bénéfice d’imprégner le visiteur de la singularité des univers artistiques. Fragmenter le corps, le maquiller, le multiplier ou même compiler des organes dans une boule de laine qui pète et rote : du je au jeu, on voit bien qu’il n’y a qu’un pas dont la pointure est propre à chacun des artistes. Deux autres points d’honneur ajoutent au mérite de cette exposition : la fresque de portraits à la craie signés par des mains d’enfants (« plus tard, je serai istoirien », avoue l’un d’eux) et l’antichambre réservée à des œuvres qui reposent la question de l’identité (Ricoeur, Duras et Lorca y jouent des coudes). A l’abri de tout pédantisme, « Altérité. Je est un autre » est un curieux laboratoire d’horizons dans lequel on se plaît à flâner. On se prend au je.
Timothée Leroy
Altérité. Je est un autre, à l’Espace Culturel Louis Vuitton, jusqu’au 15 septembre 2013. Entrée libre.