Notre avis : ****
« La calomnie, Monsieur, vous ne savez pas ce que vous dédaignez. J’ai vu les plus honnêtes gens en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien… » Voilà admirablement exposé par la célèbre tirade de Beaumarchais le thème du film de Thomas Vinterberg, La chasse : la mise à mal d’une réputation, d’une dignité et d’une vie, dans le cas présent, par des accusations de pédophilie.
Le cinéaste nous raconte la descente aux enfers de Lucas, la quarantaine empêtrée dans un divorce conflictuel, accusé à tort d’agression sexuelle par une petite fille qu’il côtoie journellement au jardin d’enfants où il est employé.
Pédophilie, mensonge d’enfant, voilà des thèmes déjà bien rebattus, maintes fois exploités par le cinéma, et nous pourrions légitimement douter de l’intérêt d’une version supplémentaire et reprocher au cinéaste de ne prendre guère de risques. Pour autant, La chasse n’est pas un film sur la pédophilie mais sur la rumeur mortifère et Vinterberg s’y entend pour faire régner tout au long du film une tension quasi hitchcockienne qui met les nerfs à rude épreuve, même si certaines scènes sont prévisibles (la disparition du chien Fanny). Du début à la fin du film, nous sommes sans cesse tiraillés entre l’angoisse, la crispation et l’émotion.
Madds Mikkelsen (Prix d’interprétation masculine au dernier festival de Cannes) y est bluffant de naturel et d’authenticité dans le rôle de cet homme touchant de chaleur humaine et de modestie. Par son jeu tout en subtilité et par comparaison avec les autres acteurs, hélas décevants, il tire à lui seul le film vers le haut.
La force du film tient aussi dans ses plans marquants et particulièrement soignés qui appuient avec justesse l’émotion du spectateur. La dernière scène, celle de la chasse, est d’une beauté époustouflante, jouant habilement du contraste entre la lumière qui inonde la forêt et la grisaille ambiante des décors antérieurs. Chasse oblige, dans cette forêt le silence doit régner. Un silence de mort ? Une fois encore la tension est palpable. Rien pourtant ne viendra soulager le spectateur de son angoisse car la fin n’en est pas une, ou tout au moins, elle s’ouvre sur tous les possibles. A l’imagination de faire le reste.
Maryse Decool
Voilà une critique pertinente et fidèle à l’esprit du film. A travers les plans, le jeu des acteurs ou simplement le scénario, Vinterberg nous propose une image assez terrifiante de l’accusation et de la calomnie. On ne peut pas ressortir indifférent de la salle.
Cet article riche et bien mené m’a convaincue : j’irai voir ce film !